Un journaliste se fait passer pour schizophrène et demande son hospitalisation en « soins libres ». Il est admis pour quelques jours dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne et il raconte ce qu’il voit et ce qu’il vit pendant ce séjour. « Je m’attendais à voir quelque chose de terrible, j’avais vu pire », écrira-t-il à la fin de cette expérience.
Après un passage aux urgences et un entretien surréaliste avec le psychiatre de garde, l’auteur se retrouve dans sa chambre d’hôpital pour une première nuit. Extraits :
« … le médecin me donna un petit calmant qui allait « m’aider à dormir ». « Tout le monde en prend ici » me dit-il. J’appris plus tard que cette petite pilule orange s’appelait le Tercian, que tout le monde en prenait effectivement. On avait omis de me prévenir de ses effets secondaires » (…) « Je me réveillai ce mercredi matin sans savoir où je ne me trouvais ni quelle heure il était (…) je constatai avec effroi que mes mouvements étaient lents et bancals. Une lumière vaporeuse dansait devant mes yeux. (…). Je dus me tenir au rebord de mon lit pour ne pas perdre l’équilibre (…) ma bouche était pâteuse (…) Je finis par m’écrouler sur le lit, dans la seule position qui ne me faisait pas tanguer. Était-il possible que l’on m’ait drogué à mon insu ? … »
L’auteur décrit ensuite le règne de l’arbitraire, les menaces, le manque d’empathie d’une partie d’un personnel surchargé et stressé, le recours massif à la médicamentation, les patients sous calmants, apathiques et amorphes livrés à eux-mêmes, les diagnostics expéditifs, les entretiens tendus et menaçants avec la psychiatre, l’infantilisation des patients, les repas insipides, le manque d’hygiène, l’ennui, etc. « Force est de constater qu’en hôpital psychiatrique, les patients étaient, au mieux, considérés comme des citoyens de seconde zone n’ayant pas les mêmes besoins primaires ou les mêmes envies que le monde extérieur. »
Les lueurs d’humanité, il semble les trouver surtout lors de ses rencontres et échanges avec ses « collègues » fous ou soi-disant fous. Quel paradoxe !
Un dernier chapitre est consacré à de nombreuses citations de psychiatres et autres personnels de santé, d’associations ou institutions nationales et internationales. Tous dénoncent les soins psychiatriques contraignants, la sur-médicamentation, la bureaucratie ou encore le mauvais usage des fonds publics.
Notre conclusion est qu’il faut dire et redire la vérité sur ce qu’est aujourd’hui le quotidien des patients dans nos hôpitaux psychiatriques. C’est un passage obligé vers le changement réel et profond pour lequel militent, avec beaucoup d’autres, les membres de la CCDH. Il faut faire face à cette vérité. Aucune réforme durable n’est possible tant que cette réalité n’est pas révélée au grand jour, exactement telle qu’elle est. Ce récit courageux est le bienvenu dans un tel contexte.
« À en devenir fou. Dans la peau d’un schizophrène » par Alexandre Macé Dubois. Éditions Phébus. Octobre 2023
À lire également, 2 livres toujours très actuels :
« Chez les fous » par un autre journaliste, Albert Londres. Éditions Albin Michel 1925
« Les murs de l’asile » par le psychiatre Roger Gentis, écrit en 1977 et republié aux éditions La Découverte en 1988