Les nouvelles directives de l’OMS sont essentielles pour mettre fin aux pratiques psychiatriques coercitives

Le rapport de l’OMS donne raison à la CCDH et aux nombreux groupes qui se sont battus dans le monde entier pour la reconnaissance des violations des droits de l’homme en psychiatrie, y compris l’internement sous contrainte et les électrochocs, ainsi que d’autres traitements biomédicaux, notamment médicamenteux.

La coercition est « intégrée dans les systèmes de santé mentale, y compris dans l’éducation et la formation des professionnels, et est renforcée par la législation nationale sur la santé mentale et d’autres lois. » – Organisation Mondiale de la Santé

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié un rapport accablant qui dénonce les pratiques psychiatriques coercitives qui, selon elle, « sont omniprésentes et de plus en plus utilisées dans les services de pays du monde entier, malgré l’absence de preuves qu’elles offrent des avantages et les preuves significatives qu’elles entraînent des dommages physiques et psychologiques, voire la mort ». Elle fait référence à la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) qui, en substance, appelle à l’interdiction de « l’hospitalisation forcée et du traitement forcé ».

La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme salue le rapport non seulement parce qu’il reconnaît que les abus psychiatriques et la torture sont monnaie courante, mais aussi parce qu’il donne raison aux efforts de la CCDH depuis 1969 et à d’autres groupes qui ont lutté pour la reconnaissance des violations des droits de l’Homme que l’OMS reconnaît maintenant. La Déclaration des droits de l’homme en matière de santé mentale de la CCDH, rédigée en 1969, inclut un grand nombre des droits que le rapport de l’OMS aborde maintenant.

Par exemple, l’OMS cite une série de directives des Nations Unies et de résolutions du Conseil des droits de l’homme qui ont appelé les pays à s’attaquer à « l’institutionnalisation illégale ou arbitraire, la surmédication et les pratiques de traitement [observées dans le domaine de la santé mentale] qui ne respectent pas […] l’autonomie, la volonté et les volontés du patient ». Les personnes soumises à des pratiques coercitives font état de sentiments de déshumanisation, de déresponsabilisation et de manque de respect, indique encore l’OMS.

La CDPH (Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées) indique que les patients ne doivent pas être exposés au risque de « torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et recommande d’interdire « les pratiques coercitives telles que l’admission et le traitement forcés, l’isolement et la contention, ainsi que l’administration de médicaments antipsychotiques, la thérapie électroconvulsive (ECT) et la psychochirurgie sans consentement éclairé ».

LES PRATIQUES COERCITIVES CRÉENT DES DOMMAGES

La psychiatrie n’a pas assumé la responsabilité du fait que ses propres pratiques coercitives sont à l’origine de la stigmatisation qui éloigne les étudiants en médecine et les patients d’elle, alors qu’elle tente de rejeter la faute sur ses détracteurs. Selon l’OMS, la stigmatisation existe au sein de la population générale, des décideurs et d’autres personnes lorsqu’ils considèrent que les personnes atteintes de déficiences mentales « risquent de se nuire à elles-mêmes ou à autrui, ou qu’elles ont besoin d’un traitement médical pour assurer leur sécurité » – un mantra psychiatrique – ce qui entraîne l’acceptation générale de pratiques coercitives telles que le placement et le traitement sous contrainte ou l’isolement et la contention.

Les pratiques abusives que la CCDH a documentées incluent :

  • Aux États-Unis, les enfants – qui sont trop jeunes pour consentir aux électrochocs – y sont soumis, même à l’âge de cinq ans ou moins. Les psychiatres américains l’administrent en dépit du rapport de l’OMS, publié il y a seize ans, selon lequel « il n’y a pas d’indications pour l’utilisation de l’ECT sur les mineurs, et cela devrait donc être interdit par la législation ». Pourtant, l’American Psychiatric Association a demandé un recours accru à cette pratique barbare et dommageable pour le cerveau des mineurs.
  • De nombreux patients sont hospitalisés en France sans leur consentement et soumis à des traitements médicamenteux à titre punitif.
  • Des rapports récents sur les adolescents en difficulté aux États-Unis soulignent à quel point l’utilisation de la contrainte dans les établissements psychiatriques et comportementaux est courante, même si elle entraîne la mort de jeunes, sans qu’il soit nécessaire de rendre des comptes. Des adolescents haletant pour respirer, criant qu’ils « ne peuvent pas respirer » sont morts sous l’effet de la contention pour contrôler leur comportement.
  • En Nouvelle-Zélande, une enquête de la Commission Royale sur les mauvais traitements infligés aux enfants commence son investigation le 14 juin sur la torture d’enfants effectuée à l’aide d’un appareil à électrochocs dans l’institution psychiatrique d’État aujourd’hui fermée, Lake Alice. Les enfants n’étaient pas anesthésiés mais soumis à des chocs punitifs directement sur diverses parties du corps, y compris les organes génitaux.
  • Malgré l’interdiction par la Food and Drug Administration, en mars 2020, d’un dispositif de choc similaire utilisé au Judge Rotenberg Center dans le Massachusetts pour modifier le comportement, cette procédure de torture est toujours utilisée.
  • Jusqu’à récemment, des psychiatres tels que Patrick McGorry en Australie, pré-droguaient les patients dans la théorie de Brave New World, en pensant que cela pourrait les empêcher de devenir psychotiques, pourtant les antipsychotiques prescrits pour cela listent la psychose comme un effet secondaire. Des pratiques similaires font l’objet de recherches aux Etats-Unis.

De nombreux États américains autorisent l’administration d’électrochocs à des patients contre leur gré, ce qui constitue une torture, comme l’ont clairement indiqué les agences des Nations unies. Le rapport de l’OMS souligne spécifiquement le fait que « des pratiques coercitives sont utilisées dans certains cas parce qu’elles sont prescrites par les lois nationales [ou étatiques] des pays ».

En outre, la coercition est « intégrée dans les systèmes de santé mentale, y compris dans l’éducation et la formation des professionnels, et est renforcée par la législation nationale sur la santé mentale et d’autres lois ».

Ces lois doivent changer, à l’instar de celles adoptées en Australie où des sanctions pénales sont inscrites dans plusieurs lois sur la santé mentale, si certains traitements psychiatriques sont administrés sous contrainte, violant ainsi les droits des patients.

Les pays doivent également s’assurer que le consentement libre et éclairé est appliqué et que « le droit de refuser l’admission et le traitement est également respecté »« Les personnes qui souhaitent arrêter les médicaments psychotropes doivent également être activement soutenues pour le faire, et plusieurs ressources récentes ont été développées pour aider les gens à y parvenir », indique l’OMS.

PAS DE REMISE EN CAUSE DES PRATIQUES ABUSIVES : PAS DE FINANCEMENT

L’OMS considère la santé mentale communautaire comme l’alternative à l’hospitalisation abusive et au paradigme biomédical – médicaments psychotropes, électrochocs et psychochirurgie – pour traiter les problèmes émotionnels et mentaux des gens. Cela nécessiterait un important budget. Cependant, aucun contrôle n’est réalisé pour pour empêcher que des abus se produisent. Une plus grande responsabilité, y compris des sanctions pénales, est nécessaire.

Les mêmes limites de financement s’appliquent également à la recherche psychiatrique, dont l’OMS souligne qu’elle a été dominée par un modèle biomédical – neuroscience, génétique et psychopharmacologie. Elle cite l’aveu stupéfiant de Thomas Insell, ancien directeur de l’Institut national de la santé mentale (2002 à 2015), qui a déclaré : « Quand je regarde en arrière, je me rends compte que si je pense avoir réussi à faire publier beaucoup d’articles vraiment cool par des scientifiques cool à des coûts assez importants – je pense à 20 milliards de dollars US – je ne pense pas que nous ayons avancés pour réduire le suicide, réduire les hospitalisations, améliorer le rétablissement des dizaines de millions de personnes qui ont une maladie mentale. »

Nous ne pouvons pas continuer à injecter plus d’argent dans un système de santé mentale défaillant et nuisible, alors qu’aucune remise en cause des pratiques n’existe ou est si inefficace que les auteurs de ces crimes s’en tirent à bon compte.

L’HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT

Aux États-Unis, à la suite d’actes de violence insensés, les psychiatres ont réclamé la simplification des procédures d’internement sous contrainte des personnes – l’antithèse de ce que préconise l’OMS. En fait, elle réfute l’idée que le placement d’office est nécessaire pour des motifs tels que la « dangerosité » ou le « manque de discernement » ou que la personne « risque de se faire du mal ou d’en faire à autrui, ou encore qu’elle a besoin d’un traitement médical pour assurer sa sécurité », l’OMS affirmant que de telles pratiques conduisent à « mettre trop l’accent sur les options de traitement biomédical et à accepter généralement des pratiques coercitives telles que le placement et le traitement sous contrainte ou l’isolement et la contention ».

« Bien que cela représente un défi, il est important que les pays […] éliminent les pratiques qui restreignent le droit à la capacité juridique, comme le placement et le traitement sans consentement », indique le rapport.

Le regretté Dr Thomas Szasz, professeur de psychiatrie, membre de l’American Psychiatric Association et cofondateur de la CCDH, a souligné ce point il y a soixante ans. En effet, il a été plus direct en déclarant : « L’hospitalisation sous contrainte en psychiatrie est comme l’esclavage. Affiner les normes d’internement revient à embellir les plantations d’esclaves. Le problème n’est pas de savoir comment améliorer l’internement, mais comment l’abolir. » En outre, « la privation la plus importante des droits humains et constitutionnels infligée aux personnes dites malades mentales est l’hospitalisation psychiatrique sous contrainte… »

La CCDH continuera à documenter les abus psychiatriques et, avec cette directive de l’OMS contre le traitement sans consentement, à en référer à des avocats qui pourraient être en mesure de porter plainte en cas de traitement abusif.

Voici ci-dessous le résumé du rapport de l’OMS, téléchargeable sur ce lien.

 

L’intégralité du rapport est uniquement en anglais et est téléchargeable sur ce lien.

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