COMMUNIQUÉ DE PRESSE
La CCDH salue la décision du Tribunal fédéral suisse interdisant les électrochocs forcés : une victoire pour la dignité humaine et les droits fondamentaux
La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH) salue l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral suisse le 22 février 2023 (Réf. 6B_1322/2022) qui rejette l’administration forcée d’électrochocs (thérapie électroconvulsive, ECT) à une personne internée dans un établissement psychiatrique. Cette décision marque un tournant important en matière de respect des droits fondamentaux, de la dignité humaine et du consentement libre et éclairé en psychiatrie.
Les faits : une demande de traitement extrême contre la volonté du patient
Dans cette affaire, A.________, atteint de schizophrénie paranoïde selon les experts, avait été condamné en 2019 à une mesure thérapeutique stationnaire au sens de l’art. 59 du Code pénal (CP). Malgré des traitements médicamenteux à haute dose et une contention physique fréquente, les médecins du Centre de thérapie forensique résidentielle de Rheinau ont demandé, en juin 2021, à l’autorité cantonale d’exécution, d’imposer une électroconvulsivothérapie.
Une expertise du PD Dr. med. B.________ en janvier 2022 avait recommandé cette intervention, considérant que les médicaments étaient inefficaces. L’Office de la justice a suivi cet avis en ordonnant l’ECT pour une période de six mois (Décision du 13 avril 2022).
Mais cette mesure fut contestée et annulée par le Tribunal administratif du canton de Zurich (6 octobre 2022), décision contre laquelle le Ministère public du canton a fait recours auprès du Tribunal fédéral.
Le raisonnement du Tribunal fédéral : une interdiction claire de l’ECT forcée dans ce contexte
Le Tribunal fédéral a confirmé l’annulation de l’ECT forcée, rappelant que :
« L’exécution forcée d’une électroconvulsivothérapie constitue une atteinte grave à l’intégrité physique et psychique (art. 10 al. 2 Cst. et art. 8 §1 CEDH), et touche de manière centrale à la dignité humaine selon l’art. 7 Cst. » (Consid. 3.1)
Il a précisé que si l’article 59 CP peut constituer une base légale pour un traitement médical forcé, celui-ci doit impérativement s’inscrire dans le cadre défini par le jugement pénal initial. Or :
« Le jugement pénal du 29 août 2019 envisageait uniquement la possibilité d’une médication forcée. Aucune mention n’est faite de l’ECT. » (Consid. 2.3)
En d’autres termes, le type de traitement prévu par le jugement ne peut pas être modifié unilatéralement par l’administration :
« Un jugement qui fixe le cadre d’un traitement par une médication forcée ne couvre pas de la même manière l’exécution forcée d’une électroconvulsivothérapie. » (Consid. 3.7)
Une thérapie controversée, une pratique inacceptable sans consentement
Le Tribunal note également que l’ECT, bien qu’en usage dans certains cas cliniques extrêmes, reste une procédure hautement controversée, en particulier lorsqu’elle est pratiquée sous contrainte. Il s’appuie sur les directives suivantes :
- La Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie (SSPP) n’envisage l’ECT qu’en dernier recours, en cas d’échec complet du traitement pharmacologique et sous conditions strictes (SSPP, Recommandations médicales, 2016, p. 12, 21).
- L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que l’ECT « ne doit être administrée qu’avec le consentement de la personne concernée » (OMS, 2018, p. 27).
La CCDH appelle à une interdiction claire de l’ECT forcée en Suisse et ailleurs
La CCDH salue la clarté juridique de cet arrêt, qui reconnaît les dangers extrêmes de l’ECT, ainsi que le caractère non consensuel, disproportionné et invasif de son usage forcé. Ce jugement doit être interprété comme un signal fort adressé à toutes les autorités psychiatriques : les traitements coercitifs violents ne sauraient être tolérés hors du cadre strictement défini par la justice, ni en l’absence de consentement éclairé.
La Commission appelle les pouvoirs publics à aller plus loin et à interdire explicitement toute forme d’ECT sous contrainte, en conformité avec les droits humains fondamentaux, notamment la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Pour en savoir plus :
Décision complète : Tribunal fédéral suisse, Arrêt 6B_1322/2022, 22 février 2023
Sources citées : SSPP (2016), OMS (2018), DGPPN (2019), ATF 130 I 16, ATF 134 I 221
Contact : cchrlausanne@gmail.com
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