Comment peut-on appeler cela des «soins»? Témoignage

Il y a quelques jours, je suis tombée par hasard sur un article décrivant les
“conditions déplorables” de certaines unités psychiatriques…, et ce que je tais depuis près de deux ans a reflué avec autant de force que si je l’avais traversé il y a deux jours.

Ce que je vais vous dire est un simple constat – pathétique et désespérant – de ce que j’ai été amenée à subir en 2014, évidemment sans mon consentement. Une tentative de suicide dont je ne vais pas détailler ici le Pourquoi, si ce n’est un épuisement physique et moral si complet (dettes, travail, histoire relationnelle…) que je n’ai simplement plus pu, voulu y faire face.

Je me suis donc réveillée dans un lieu auquel je n’ai jamais pu donner de nom. Se situant entre prison et vieil hôpital militaire, peut-être. À Périgueux.

Seule, dans une “chambre” à deux lits, j’ai simplement vu le grillage à la fenêtre et l’armoire cadenassée.

Médusée, j’ai aussi pu constater que je n’avais pas de vêtements, mais une blouse informe, beaucoup trop grande, me tombant jusqu’aux pieds – pas de chaussures.

Au bout d’un long moment, ah oui, ce temps-là est aussi inconnaissable, une femme –appelons-la Perséphone, déesse des enfers selon la mythologie grecque – a ouvert la porte et d’un ton sans appel a dit ceci: “Vous allez venir manger”, déclenchant un dialogue surréaliste où je me suis obligée à rester très calme malgré l’espèce d’effroi qui me gagne dans ce genre de situation.

À chacune de vos questions, une seule et même réponse: “C’EST LA PROCÉDURE!” Je suis donc allée manger ce premier jour, avec ma blouse de condamnée, pieds nus (on m’apportera plus tard deux petits “sacs” en papier servant, je suppose, de chaussons…) face à douze autres convives dont certains m’ont effectivement paru très assommés, voire complètement apathiques.

Le “personnel” vous scrute, chuchote à l’oreille de son binôme, ricane.
Là, si j’avais pu me pendre, je l’aurais fait, sans aucune hésitation. Je crois qu’à cet instant, j’ai compris ce qui globalement m’attendait. Et qu’il allait falloir garder toute ma cohérence comme seul gage de protection. Car tout ce qui suit est absolument impensable, ridicule, et surtout contre-productif. Le personnel (il y a bien sûr des exceptions) fait montre de peu de psychologie et d’écoute. C’est par le mépris ou les injonctions qu’on tente de vous “mater”, de vous faire plier coûte que coûte.

J’ai eu matière à observer: chacun est dans un rôle, une mécanique très éprouvée: le bon copain, le garde-chiourme, l’hystérique, le conciliateur etc. Tout ce petit monde semble investi d’une mission (mais laquelle?) et ne parvient qu’à envenimer des situations qui pourraient être désamorcées…

J’ai vu des comportements atroces:

Un “malade” (mais pas si malade puisqu’il est sorti le lendemain) demande une réponse à sa question, Perséphone refuse d’y répondre, l’autre insiste, calmement mais fermement. Il sera, dans les 5 minutes qui suivent, sanglé, endormi et enfermé dans une pièce à part.
Cela se passe en plein repas. Deux armoires à glace ont fait irruption. Les patients sont tétanisés. Perséphone est au comble de l’excitation, court, s’agite (qui est fou, qui ne l’est pas ?), convie le “groupe” à une réunion, que je refuse d’emblée très clairement. Comme j’ai refusé tout traitement.

À partir de là, elle n’aura de cesse de me harceler, car voyez-vous, je ne suis pas une bonne participante et j’ai des arguments que j’énonce toujours avec le plus grand calme (apparent), ce que visiblement elle ne supporte pas!

J’ai vu une «grande» psychiatre, intelligente et humaine, mais très submergée, avec laquelle chaque patient essaie, avec l’énergie du désespoir, d’avoir une entrevue, ne serait-ce que pour tenter de “sauver sa peau” ou simplement de se faire entendre.

J’ai vu, un soir, une garde-de-nuit arriver, haineuse, hurlant sur les patients, nous traitant comme du bétail, m’obligeant sous les cris, à prendre un médicament que je n’étais pas censée prendre (les informations ne lui sont parvenues que le lendemain).

Cette femme plus que dangereuse est revenue souvent hélas.

J’ai été obligée de signer des papiers, sans avoir le temps de les lire, mais toujours avec la mention “je suis enfermée”, ce qui m’a valu des menaces très précises: «ça va vous coûter cher»!

J’ai vu l’abus de pouvoir, les humiliations quotidiennes. Surtout sur les patients âgés, très vulnérables, perdant un peu la tête, mais toujours honteux de ne pas être “habillés”… Des regards, beaucoup de condescendance, des ricanements. Bêtise bien grasse, bien épaisse.

J’ai enduré, comme les autres, des journées entières à ne rien faire (toujours vêtue de l’immonde camisole): pleurer, manger, manger, pleurer, attendre que quelque chose survienne, imaginant les autres me cherchant au-dehors, coupée de tout, fumant jusqu’à la nausée (la seule chose qui soit tolérée).

J’ai passé des jours à demander (calmement, cela va de soi) qu’une amie soit autorisée à m’apporter des vêtements, un livre, du papier pour écrire. Ce qui est effectivement arrivé au bout de dix jours.

J’ai eu le malheur, un après-midi, de m’allonger sur un banc, dans le couloir clôturé qui servait de cour, car il faisait très beau, j’ai été ramenée manu-militari dans ma chambre. Perséphone ne supportant pas ce genre de relâchement.

Au bout d’une semaine, j’ai fini par ne plus parler. Par ne plus manger. Par ne plus bouger. Dans la chambre, un va-et-vient a alors commencé. Chantage, menaces: «On va vous nourrir de force»…

J’ai dû supporter la drague débile d’un personnel, évidemment toujours prompt à s’occuper “de la surveillance du bain” et qui ouvre constamment la porte juste pour voir si tout se passe bien!

Je n’ai plus jamais demandé à prendre un bain.

J’ai eu plus que tout, à chaque seconde, envie de mourir, de m’enterrer vivante face à tant d’humiliations et de bassesse. De zèle rampant.

J’ai dû aller au tribunal, incrédule, afin de “plaider ma cause”. Mais là aussi, il s’agit d’une mise-en-scène insensée où tout est joué d’avance. Je vois encore la secrétaire, visiblement d’accord avec mon argumentation, exaspérée par la décision du juge…

Je passe sur les vols: chocolat, pull… oh, rien de grave. Je passe sur les sourires gênés des médecins qui ne font que traverser la salle (plutôt en courant d’ailleurs). Je passe sur les propos navrants d’une psy “catho” demandant en réunion si je n’avais pas pensé à Dieu avant “de commettre mon geste”, etc.

Et dans cette histoire à dormir debout mais hélas véridique, je suis incapable de vous dire combien de temps exactement j’y suis restée. Deux ou trois semaines tout au plus, faute de place ailleurs.

Cela m’a néanmoins complètement détruite, a provoqué chez moi toutes sortes de maladies. Une fatigue longtemps récurrente. Une méfiance définitive envers le genre humain.

Et l’on ose parler “d’Unité de soins”!?… À mon avis plutôt un lavage de cerveau, un essorage complet de votre intégrité.

Vous êtes le Poison, et la niche carrelée dans laquelle on vous enferme est censée être l’Antidote.

Voilà, je termine là, en espérant que les «soignants» s’amélioreront autant intellectuellement qu’humainement. On peut toujours rêver, n’est-ce pas?

Source: ccdh.fr

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